La Spinoza Connection est le dernier roman de Lawrence Block, mettant en scène le duo du Blues du libraire, le libraire cambrioleur et son assistante tondeuse de chiens. Après les différents personnages principaux qui ont émaillés l'oeuvre de Block - Haig, le simili Nero Wolfe, Chip son assistant, mais surtout Matt Scudder le détective privé de Huit millions de façons de mourir - ces personnages principaux sont cette fois de l'autre coté de la barrière, même si leurs agissements et les imbroglios dans lesquels ils plongent leurs mains recouvertes de gants aux paumes découpées les contraignent à chaque fois à déployer des talents de détectives.
Ce qui est fascinant chez Block, c'est la précision et la concision des élément de dialogue, ainsi que l'exhaustivité des informations données au lecteur : au fur et à mesure de l'avancement de l'action, Block donne mécaniquement les détails dans leur ordre quasi-chronologique. A la différence des auteurs qui masquent des éléments au lecteur pour préserver un suspense qui n'est en fait qu'une frustration, Block ne cache rien d'autre que les cogitations de son héros. Les résultats de ces cogitations sont les points de passage obligés du lecteur, les aiguillons à sa propre réflexion : quand le détective déclare "...et je savais qui l'avait tué...", Block nous fait comprendre que nous devrions le savoir aussi. Block nous force à sortir d'une lecture passive (comme celle d'Agatha Christie) et nous offre une lecture active bien plus agréable. Par exemple, les dialogues entre les policiers et le héros sont toujours parfaits, par leur concision et parce que l'on possède toutes les informations : on frémit au moindre faux-pas (que l'on repère immédiatement), et l'on a deux fois plus de plaisir quand arrive l'esquive verbale qui permet au héros de s'en sortir.
La fin du roman est construite à la Hercule Poirot : tous les protagonistes sont réunis en un seul lieu et le héros déroule le résultat de ses réflexions : comme il n'est pas détective, cela pourrait poser un problème de vraisemblance, mais Block utilise au contraire les événements antérieurs pour inscrire son dénouement d'une manière parfaitement crédible dans le cours de l'histoire. Vous l'avez deviné, tout cela, ajouté à l'humour récurrent des situations de Block, fait de La Spinoza Connection un excellent cru de son oeuvre.