Jadranka Rang: Administrateur
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| Sujet: Falaises, d'Olivier Adam.. Jeu 15 Fév - 22:03 | |
| A 31 ans, Olivier a une petite fille de deux ans, Chloé, avec sa compagne qu'il aime tant, Claire. Il a tout pour être heureux, mais ne peut oublier sa mère défunte, il y a vingt ans jour pour jour. Ce sombre anniversaire le fait revenir sur les lieux du suicide de celle-ci, à Etretat. Les souvenirs affluent, l'homme redevient l'enfant qu'il n'a jamais cessé d'être. Dans la chambre tiède, l'air est rempli du parfum de ma fille, de l'odeur de sa mère. Je m'allonge près d'elles. Chloé grogne et je respire ses cheveux, son odeur de savon, d'eau de cassis et de lait. J'embrasse son cou, ses doigts minuscules, son épaule. Elle ouvre les yeux un instant, murmure 'papa' et se rendort aussitôt. Il y a maintenant deux ans qu'elle est née, qu'elle est près de moi et me protège. Deux ans et j'ai souvent l'impression qu'avant ça rien n'a existé, rien n'a eu lieu, qu'à nouveau ma mémoire se ferme à double tour, et entraîne les trente années qui ont précédé dans un lieu caché de mon cerveau. Un lieu sans importance désormais.Alors que je m'habitue au style écorché d'Olivier Adam, je suis très touchée par ce roman. "Falaises" est semblable et différent du reste, se met-il en scène dans celui-ci ? J'ai ce sentiment troublant qui n'a cessé d'enfler. Du moins, l'ambiguité est omniprésente et cela trouble la lecture. On s'y attache différemment, l'oeil plus ému de deviner un puzzle qui se constitue et façonne une existence mélancolique et ravagée. Beaucoup de disparitions, de pertes, de larmes et de chagrins qui se noient dans l'alcool... Aussi, Olivier Adam réexploite quelques pistes déjà parues dans ses romans pour la jeunesse : la perte d'un ami au sein du groupe ("la messe anniversaire"), Lorette l'adolescente mal dans sa peau ("on ira voir la mer"), et la maman dépressive qui part seule la nuit caresser les arbres ("sous la pluie"). Finalement, ce roman c'est une peau de chagrin - à la fois dépouillé, transparent mais quelle tristesse ! Et quand le narrateur affirme "je n'ai pas d'enfance" et que tout est "logé ailleurs", le coeur s'emballe et puis je suis soulagée par l'issue du récit. Toutefois j'attribue un point en moins pour le chapitre avant la fin, celui de son passage sous les toits de Paris. Je n'ai pas trop aimé, ça ne s'explique pas. Mais au-delà je me suis plongée dans une lecture désespérante mais attachante, triste mais belle. L'auteur a ce talent et ça me plaît. J'ai froid et le ciel s'éclaircit un peu. Au loin fraient des cargos. Sur les ponts rouillés passe infiniment mon frère et pour toujours peut-être. J'ignore s'il me manque, je crois qu'il fait partie d'une autre vie et que, depuis la mort de ma mère, j'ai appris à consentir à ce qu'il advient, à ne plus résister à rien. Je crois qu'en somme, le trou qu'elle a creusé en moi était déjà si large et profond qu'en y disparaissant il n'aura pu l'agrandir. Je ne sais pas quand exactement mon frère surgit pour la première fois dans le flux troué de ma mémoire. Quand, au juste, il s'extrait de ces sables pour arborer un visage, une voix, une silhouette reconnaissables. Entre huit et onze ans, je crois qu'il se confond, selon les moments, soit avec moi soit avec ma mère. Pourtant, étrangement, il me semble le connaître depuis beaucoup plus longtemps que ça.C'est un livre que je vous conseille fortement.. | |
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