Voici un livre de nouvelles écrit par un français, Olivier Adam, qui fait penser par moments à Raymond Carver. Des tranches de vie de gens ordinaires, usés et souvent au bout du rouleau, tranches de vie où il ne se passe apparemment pas toujours grand chose, et pourtant... où l’essentiel est dit.
Du décès d’un père cancéreux à une rupture enfin consommée, en passant par une soirée de réveillon un peu glauque, ou un ras-le-bol d’un métier trop usant, les personnages d’Olivier Adam, infirmière, chauffeur de taxi, secrétaire, chômeur... semblent glisser vers l’indicible, porteurs d’un « trop plein » qui ne demande qu’à déborder, et qui pourtant, savent garder dignité même dans les pires instants. Car il y a dans ce livre une mélancolie qui ne laisse jamais place à de la sensiblerie. Au contraire, la sensibilité à fleur de peau d’Olivier Adam lui permet de donner sens aux détails apparemment les plus insignifiants, détails qui pourtant savent parler, l’air de rien, de la vie et de ses fêlures. Sans tomber dans la mièvrerie ou le sur-signifiant.
On se sent proche de ces personnages, de leurs fêlures, de leur fragilité, de leur fatigue, parfois réelle, parfois existentielle, on a l’impression de les connaître depuis toujours, de les côtoyer, de comprendre leur usure... et c’est là toute la force de ce livre ! Arriver à rendre familiers des personnages de fiction qui n’existent pas... et c’est probablement tout ce cocktail, fait de tendresse, de lucidité, d’humanisme et d’absence de complaisance, dont est porteur Olivier Adam, face à ceux qu’il a créé, qui nous contamine, et qui fait que leur vie, pourtant usante, nous semble presque palpable.
Ces personnages semblent être à un carrefour de leur vie, parfois lugubres, où pourtant ils ne capitulent pas, porteurs d’une dignité qui les maintient en vie, à la surface... ils sont à un moment aussi où peut-être, justement, l’hiver doit passer et laisser place au printemps... ce qui expliquerait pourquoi, au fond, malgré toute la mélancolie qui imprègne ce livre, on n’en sort pas attristé pour autant, comme si, on savait, on sentait que cela ne pouvait aller que mieux...
Le style d’Olivier Adam est simple, économe, subtil, sachant tout à la fois mettre en avant la rudesse de l’existence, l’âpreté de ces vies, et l’humanité dont les personnages sont porteurs. Il n’y a aucun effet de style trop ampoulé, trop recherché, trop emphatique, on va ici à l’essentiel, et cela rend le texte d’autant plus fort et touchant, puisque l’absence de superflu met en valeur toute la violence et la fragilité de ces instantanées de vie qui nous émeuvent.
Ce livre juste et mélancolique qui sait parler du temps qui passe, et de l’usure qu’on ressent parfois, n’est pourtant pas triste. Il faut le lire en prenant son temps, un soir de rude hiver, avant que le printemps ne vienne pointer son nez.