Elle dansait le soir
Dans l'American-Bar,
Au coin d'une rue de la Joliette.
Les marins anglais
Pour elle chantaient,
En choeur, des chansons de Tempêtes.
La chanson des mers
Froides, des flots verts
Qui battent les falaises grises,
Les îles perdues
Et les grands Docks nus,
Droits sous la pluie de la Tamise.
La blancheur du Nord,
Aux glaces du bar,
Mettait un halo électrique ;
Et les matelots
Des Péninsulars
Rêvaient sourdement du Tropique.
Plus d'un fut laissé
Mort, sur le pavé,
Dans l'aube, au coin de la ruelle.
Nul ne se vantait
De l'avoir touchée ;
On ne savait qui protégeait la belle.
La fille enchantée,
Torride, passait,
Comme un poison dans les soirs rouges.
Pourtant un matin,
La trouva, le sein
Ouvert, sur la porte du bouge.
Le bar est fermé,
La glace est brisée,
Il y a des gens de la police.
On ne chante plus.
On ne danse plus ;
Le patron du bar est en fuite.
Mais ce n'est pas lui
Qui a fait le coup ;
C'est le crime d'un équipage,
D'un sloop hollandais
Qui, aux Féroé,
Depuis vient de faire naufrage.